Ou la destiné d’un « poilu » de 14-18 ; « mort pour la France »
Environnement FAMILIALE
Louis Léon Henri Quevillier est né le 29 juin 1878 à Pernes lès Boulogne dans le Pas de Calais (62)[1].
Il est le fils Henri Célestin Quevillier et d’Augusta Aurélie Caron (voir l’encadré).
Il est le fruit d’un remariage qui a été célébré à Pernes lès Boulogne (62) le 29 novembre 1876.
Au XIXe siècle un homme sur quatre et une femme sur cinq est veuf ou veuve avant l’âge de 35 ans.
A 45 ans le veuvage touche un homme sur deux. Dans les six mois, un homme retrouve une mère pour ses enfants. Les femmes doivent attendre 9 mois, au cas où le défunt aurait laissé un héritier supplémentaire.
Au recensement de 1876, juste avant le mariage, ils vivent tous deux au hameau de Huplandre à Pernes lés Boulogne :
Henri Célestin, ayant perdu son épouse des suites de l’accouchement du dernier enfant, avec ses deux fils : Henri âgé de 3 ans et Jules âgé de 9 mois ,
Les parents
Henri Célestin Quevillier, est né le 10 septembre 1849 à Saint Martin Boulogne (62) il exerce la profession de cordonnier.
De son premier mariage avec Marie Louise Eléonore Regnier qui décède le 06 mai 1876, il aura deux fils : Henri (1873 ) et Jules (1876).
Augusta Aurélie Caron est née le 02 mars 1848 à Marquise (62) elle est journalière.
De son premier mariage avec Pierre Louis Ansel, décédé le 13 avril 1873 à Wierre-Effroy (62) elle aura deux fils : François et Edouard
Augusta Emilie Caron, veuve Ansel, logée chez un parent (François Duhamel), avec ses deux fils : François 8 ans et Edouard 3 ans.
C’est donc une famille de 6 personnes qui sera recensée en 1881 au hameau de Huplandre à Pernes lés Boulogne :
– Quevillier Henri Célestin, cordonnier, chef de famille,
– Caron Augusta Amélie, cabaretière (ménagère), son épouse,
– Ansel François 12 ans,
– Edouard, 8 ans, (en 1891 à 18 ans, on le retrouve comme domestique de ferme chez les Mionnet à Pernes les Boulogne)
– Quevillier Henri, 8 ans,
– Quevillier Louis Léon, 3 ans.
– Quevillier Jules étant décédé le 28 juin 1878
La famille ira ensuite vivre à Wacquinghen, canton de Marquise où vivent les parents Caron.
Voir carte des environs de Pernes les Boulogne ci-contre.
Les années militaires de Quevillier Louis – Léon
C’est donc dans cette commune de Wacquinghen(1) qu’il passera le conseil de révision. La décision de ce dernier est ajournée en 1899 pour faiblesse mais il est reconnu « bon pour le service » l’année suivante, en 1900.
Sa fiche matricule établie lors de ses vingt ans le décrit comme suit :
– Cheveux et sourcils châtain foncé.
– Yeux gris.
– Nez moyen
– Bouche moyenne.
– Menton rond.
– Visage ovale.
– Taille, 1m 59 cm.
– Degré d’instruction[1] : 3 (études primaires)
[1] Le degré d’instruction est indiqué par un chiffre de 0 à 5. Degré 0 ; ne sait ni lire ni écrire. Degré 1 ; sait lire seulement. Degré 2 ; sait lire et écrire. Degré 3 ; possède une instruction primaire. Degré 4 ; a obtenu le brevet de l’enseignement primaire. Degré 5 ; bachelier, licencié, etc.
Soldats du 148 Régiment d’infanterie en 1900
Dispensé selon l’article 22 comme « soutien de famille », il sera toutefois incorporé le 14 novembre 1900 au 148e régiment d’infanterie comme soldat de 2ème classe à la caserne Enghien à Rocroi dans les Ardennes.
Il passera dans la réserve de l’armée active en novembre
1902 et en mai 1912, il sera affecté au 7 ème
Régiment Territorial d’Infanterie et plus particulièrement aux chemins de fer de l’Est.
(voir encart ci-dessous)
Le texte de 1905 instaure un service militaire obligatoire, qui met fin au système inégalitaire basé sur le tirage au sort. Au cours de sa carrière militaire le jeune français connaitra quatre armées différentes : une fois le service dans l’active achevé, il rejoint la réserve, période pendant laquelle il est convoqué à plusieurs reprises. Quelques années plus tard, il intègre l’armée territoriale puis enfin la réserve de la territoriale.
Le territoire français est découpé en régions occupées chacune par un corps d’armée qui lui-même comprend des divisions d’infanterie (DI) composées de brigades à deux régiments d’infanterie. En 1915, la distinction entre active et réserve n’existe plus, puisque l’on trouve de nombreux réservistes dans les unités d’active. Les régiments de réserve se rattachant aux régiments d’active, dont ils prennent le numéro augmenté de 200 : ainsi le 285 est le régiment de réserve correspondant au 85 RI. Il avait même lieu de recrutement et de garnison, et la plupart des réservistes de 1914 partirent dans la réserve du régiment où ils avaient fait leurs classes.
En août 1914, l’infanterie de l’armée d’active compte 173 régiments d’infanterie dont l’effectif réglementaire est de 113 officiers et 3226 hommes de troupes.
Le régiment se compose de 3 ou 4 bataillons, d’un état-major, d’un petit état-major, d’une section hors rang, de deux sections de mitrailleuses et de12 éclaireurs montés.
Le bataillon est commandé par un chef de bataillon (commandant) assisté par un adjudant-major et un médecin. Le bataillon est divisé en quatre compagnies.
La compagnie est commandée par un capitaine, elle est divisée en 4 sections. Son effectif comprend le capitaine, 3 lieutenants, un sous-lieutenant ou un adjudant-chef, 1 adjudant, 1 sergent-major, 1 sergent fourrier, 8 sergents, 1 caporal fourrier, 16 caporaux, 2 tambours, 2 clairons, 1 infirmier, 4 brancardiers, 1 tailleur, 1 cordonnier, 1
cycliste, 3 conducteur et 210 soldats.
La section hors-rang comprend des artificiers, armuriers, secrétaires, ordonnances, sous-officiers d’approvisionnement, maréchaux-ferrants, bouchers et 21 conducteurs.
La vie civile
A l’époque de son service militaire, Louis Léon Henri Quevillier est cordonnier comme son père.
Mais son temps militaire passé, il quitte la région du Pas de Calais pour rejoindre Troyes où il exerce le métier de blanchisseur[1]. En 1903 il loge chez Ansel Pierre Louis, cousin de ses demi-frères, au 9 de la Chaussée Voulvy, à noter qu’au 27 de cette même rue se trouvent les locaux d’une grande filature. Ansel Pierre Louis de quatre ans son ainé exerce la profession de blanchisseur de laines. Sans en être certain, on peut penser que ce « cousin » l’a fortement influencé sur le choix de son nouveau métier et sur le lieu de son travail.
[1] Le métier de blanchisseur était à haut risque, avec les inhalations de chlore et de poussière qui engendraient bien souvent de graves maladies pulmonaires chez ces ouvriers.
Le mariage
Le quinze juillet 1905 il épousera à Troyes Henriette Françoise Monniotte, née le 12 mars 1886 à la Chapelle Saint Quillain en Haute Saône (70). La jeune mariée est alors âgée de 19 ans et exerce la profession de domestique à Sainte Savine, dans la banlieue de Troyes.
En septembre 1905 le couple va habiter au 48 rue Petite Tannerie à Troyes. C’est en ce lieu que naitra Marie Henriette Augustine le 17 novembre 1905.
En janvier 1907 la famille déménage pour Montaulin, ville où verra le jour Louis Célestin Henri le 8 février 1908.
Au mois d’avril 1908, le couple et ses deux premiers enfants s’installe à Vendeuvre sur Barse. Suzanne Louise Henriette naitra le 27 aout 1910 à Vendeuvre sur Barse.
A partir de leur arrivée à Vendeuvre sur Barse, Louis Léon Quevillier sera manœuvrier aux Etablissements Protte qui deviendront par la suite les Etablissements de Constructions Mécaniques de Vendeuvre (voir encadré ci- dessous).
Au recensement de 1911 la famille Quevillier habite au 4 de la place de la Halle.
Les EMV
Les Etablissements de Constructions mécaniques de Vendeuvre, raison sociale plus que centenaire, verra sa production augmenter rapidement. Sous l’Empire, en 1863, on créa la première machine à vapeur destinée à remplacer les manèges de chevaux et, plus tard, la célèbre tripoteuse dans laquelle un cheval attelé à la machine se déplaçait sur un plan incliné, pour la faire mouvoir.
A genoux on reconnait Louis Léon Henri Quevillier
Les EMV durant la guerre
La grande tourmente s’abattit sur la France en 1914, Vendeuvre eut la chance d’être protégé de l’invasion et très rapidement les ateliers purent être remis en route. Durant quatre années les fabrications agricoles furent abandonnées et tout le matériel transformé pour l’usinage des obus.
La « Grande Guerre »
Louis Léon Henri Quevillier est mobilisé le 03 aout 1914 et affecté au 285ème régiment d’infanterie de réserve le 28 octobre de la même année. Le 285e régiment est basé à Cosne (58e Division d’Infanterie, 21e Corps d’Armée) et va participer à la bataille d’Artois.
Le 14 octobre le 285 RI quitte son cantonnement de Lattre Saint Quentin pour relever dans les tranchées les troupes anglaises sur l’axe Cambrin – Givenchy. Le 5 novembre 1914 arrive de Cosne un renfort de 80 hommes dont fait partie Louis Léon Quevillier.
De novembre 1914 à mai 1915 la guerre qui se livre étant une guerre de pièges, les troupes ne progressent que très lentement. Les deux armées épuisées commencent alors à s’enterrer dans les tranchées, face à face, le long d’une première ligne de front, tout au long de l’hiver 1914 -1915, très rigoureux, dans la boue, le froid et la neige et l’horreur quotidienne. Les compagnies se relaient tous les quatre jours entre les tranchées de première lignes et le cantonnement de repos de Cambrin et Annequin.
Sur la demande du Commandant en chef, le général Foch, commandant le groupe provisoire du nord, établit le projet détaillé d’une opération offensive puissante à monter dans la région au nord d’Arras.
Le 9 mai 1915, au matin, les troupes d’attaque se trouvent en place à 4h30. Le jour s’est levé radieux; déjà, la veille, le soleil et le vent ont asséché la boue qui rendait la circulation difficile dans les boyaux.
Tandis que le 21e Corps progresse au nord vers Notre-Dame de Lorette et vers Souchez, le 33e Corps avance de quatre kilomètres en moins de deux heures, et atteint la crête entre Souchez et la cote 140. A sa droite, le 20e Corps
enlève La Targette, et conquiert une partie de Neuville Saint-Vaast.
Le 12 mai, le 21e Corps, après une lutte sanglante et acharnée, enlève le fortin de Notre Dame de Lorette, au nord-est de la Chapelle, organisation puissante comprenant des fossés, des grilles, des abris-cavernes de 10 mètres de profondeur et qui paralysait notre avance après nos premiers succès du 9 mai.
Les 13 mai et jours suivants les troupes françaises repoussent victorieusement plusieurs contre attaques ennemies, mais la 13e division (21e Corps) voit son offensive bloquée à droite par le fortin de la Blanche Voie. Notre progression est arrêtée, au nord du plateau de Lorette, par un bombardement d’une intensité exceptionnelle.
Le 25 mai, en vue de réduire la poche que forme le village de Souchez à l’intérieur de nos lignes, les 9e, 21e et 23e Corps exécutent une attaque concentrique qui se poursuit le 26, mais qui échoue.
Du 27 mai au 2 juin, il n’y a plus que des actions locales.
Les jours suivants, la 10e Armée poursuit la conquête des points d’appui fixés. Malgré le terrain détrempé par la pluie, le 21e Corps élargit les positions récemment conquises sur le plateau de Notre-Dame-de-Lorette. Les soldats subissent les effets immédiats des combats : les assauts de l’ennemie, les attaques et les bombardements incéssants d’artillerie, la puissance et le souffle des explosions, les vibrations des tirs, la vacarme des duels d’artillerie, la peur des obus qui font exploser les corps, l’angoisse en attendant le coup de sifflet de l’officier qui ordonnera de grimper sur le parapet tout en sachant que l’on devient une cible facile pour les mitrailleuse d’en face. Ils doivent en plus endurer la saleté, le froid ou l’extréme chaleur, la faim, la soif, l’humidité et surtout les odeurs pestilentielles…terrés comme des rats les combattants se sentent traités comme des animaux et non comme des hommes.
Le 16 juin 1915
Le 16 juin, nos lignes partent à l’attaque vers midi, en même temps que se déclenche le tir d’efficacité de toutes nos pièces d’artillerie, y compris les contre-batteries. De ce fait, la surprise de l’ennemi a été à peu près complète et nos pertes s’en trouvent sensiblement réduites. Mais, tandis que les 21e et 33° Corps avancent assez rapidement, les autres Corps progressent médiocrement et avec difficulté. En fin de journée, le 21e Corps et la division marocaine ont réalisé de sérieux progrès au nord-ouest d’Angres, sur le plateau de Notre Dame de Lorette, et au sud-ouest de Souchez.
Revenons plus en détail sur cette journée du 16 juin 1915 qui sera la dernière pour Louis Léon Henri Quevillier.
Et pour cela, reportons nous au journal de marches et opérations du 285e Régiment d’Infanterie.
« Le régiment doit attaquer la partie sud des ouvrages blancs (ouvrages fortement organisés par l’ennemie) et une ligne rejoignant les Abattis à 1000 métres à l’ouest d’Angres. A droite se trouve la division marocaine, à gauche une compagnie du 256e. Le régiment est situé, sa droite a environ 50 mètres nord du chemin d’Aix à Angres, sa gauche à environ 80 mètres du chemin de Bully à Angres.
A 12 heures 14 minutes le mouvement en avant est ordonné, il s’effectue d’une façon parfaite, avec un ensemble superbe….
CITATION
Citation- « soldat courageux et dévoué ayant eu au feu une belle attitude. Le 16 juin 1915 est tombé glorieusement pour la France enpartant à l’attaque devant Angres. Médaille militaire, Croix de guerre avec palmes.
La loi du 8 avril 1915 institue la Croix de guerre destinée à «commémorer, depuis le début de la guerre de 1914-1915, les citations individuelles pour faits de guerre»
Sépulture de Louis Léon QUEVILLIER au cimetière militaire de «Tranchées de Meknes » Lieu dit Les Champs Pointus 62160 AIX NOULETTE
Pour la période du 9 mai au 16 juin, les pertes atteignaient les chiffres de 2260 officiers, dont 609 tués, et de 100240 soldats, dont 16194 tués, 63619 blessés, le reste disparu.